Le secret des Technomages

Comme tous les matins, Mr Haziel arpentait les ruelles du Caire. Ici tout le monde le connaissait. Sa grande silhouette fine se faufilait entre les marchands ambulants et les étales du souk. Il s’arrêta devant une petite boutique "Omar Librairie". Il poussa le rideau en perles de l'entrée puis se dirigea vers une table où des livres s'élevaient en colonnes disparates. Il prit un livre qu'il dégagea avec difficulté d'une pile. Le propriétaire des lieux arriva par une petite porte au fin fond de la boutique. Il salua avec un large sourire Mr Haziel, car c'était un de ses meilleurs clients ! Mr Haziel lui rendit son salut tout en feuilletant son livre. Après plusieurs minutes de marchandages, le prix du livre fut fixé à sept Livres. Prix tout à fait raisonnable, de toute façon, aucun marchand sensé n'aurait essayé de rouler Mr Haziel ! Il repartit avec son achat sous le bras en direction du port.

Il faut dire que la vie de Mr Haziel était réglée comme du papier à musique, enfin presque toujours... Après un petit tour dans le souk, il allait déjeuner dans le même restaurant "Aux délices du Caire" où il prenait le menu du jour et un café. Il repartait ensuite pour ouvrir sa boutique d'antiquités. Boutique somme toute ordinaire vue de l'extérieur, mais l'intérieur recelait de vrais trésors pour une personne avertie !

Mr Haziel s'installa dans son fauteuil placé derrière un sarcophage. Point stratégique du magasin. Mr Haziel avait placé une psyché de telle manière qu'il pouvait observer le client qui entrait dans sa boutique sans être vu ! Il prit son nouveau livre et commença sa lecture. À peine arrivé à la fin du premier paragraphe, la clochette de la porte sonna.

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Un homme grand et élégant venait d'entrer. Il enleva sa casquette, découvrant des cheveux blond coupé très court. Il regarda autour de lui, s'arrêta devant la vitrine des antiquités égyptiennes avant de s'intéresser à un authentique crâne de Yéti, enfin c'est ce qu'il y avait d'indiqué sur l'étiquette… Tout absorbé qu'il était par les objets divers et variés présents sur la même étagère, il n'écouta pas Mr Haziel venir derrière lui. Ce dernier, émit un petit toussotement. L'inconnu sursauta et se retourna.

- Bonjour ! Mr Haziel je suppose ? Je me présente, Jonas Kaplan.
- Bonjour Mr Kaplan. Oui en effet c'est bien moi. Que puis-je faire pour vous ? Vous êtes intéressé par mon crâne de Yéti ? Ou une momie peut-être?

Mr Haziel n'était pas dupe. Dès que le jeune homme avait franchi le seuil de sa boutique, son sixième sens lui avait dit que ce n'était pas un client. Il posa la question par simple habitude. Apparemment, ce Monsieur n'avait pas traversé le souk pour venir ici, sinon il aurait eu une flopée de gosses aux trousses. Donc, ce n'était pas un de ces touristes à la recherche d'un souvenir exotique à ramener chez eux.

Le jeune homme jeta un œil vers le fond de la boutique où trônait une momie aux bandelettes jaunies par le temps. Il fit une grimace puis fixa ses yeux bleus dans ceux de Mr Haziel.

- Non, je ne suis pas là pour acquérir quoi que ce soit. Mais je pense que vous vous en doutiez…

Mr Haziel fut surpris par cette réponse. Il n'avait pas affaire à un imbécile. D'un geste de la main, il l'invita à s'assoir sur une antique banquette d'un rouge cramoisi et prit place dans son fauteuil.

- Et bien dite moi tout Mr Kaplan, qui vous envoie ?
- Le grand Maître des Technomages lui-même.

À ces mots Mr Haziel se renfrogna.

- J'ai déjà dit au grand Maître que je ne voulais pas faire partie de votre confrérie !
- Il ne s'agit pas de cela, Mr Haziel ! C'est pour une affaire très grave que je suis là, et qui risque de plonger le monde dans le chao.
- Ah ! Ce n'est que cela ! Combien de fois j'ai pu écouter de telles sornettes. À chaque fois, je me suis déplacé pour des broutilles. Je ne suis plus tout jeune cher Monsieur et à moins que vous n'ayez ouvert la boite de pandore, je ne bougerais pas d'ici.
- Vous n'êtes pas loin de la vérité Mr Haziel !

Sur ces mots, Mr Haziel se pencha vers son interlocuteur en plissant les yeux.
- Vous n'avez pas pu ouvrir la boite de pandore ça c'est certain. Alors ?

L'idée que le vieil homme possède la boite traversa un instant l'esprit de Jonas Kaplan, cela ne l'aurait pas surpris. Revenant au sujet, il expliqua à Mr Haziel la suite d'événements qui avait déclenché la catastrophe …

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Pendant l'heure écoulée, Mr Haziel écouta attentivement le récit de Jonas Kaplan tout en hochant la tête de temps en temps. Il posa une ou deux questions puis ces leva.
- Je suppose que nous devons partir le plus tôt possible ?
- Oui, Mr Haziel. Immédiatement si vous le pouvez.
- Bon, je vais vous laisser quelques minutes, le temps de rassembler quelques affaires.

Il se dirigea vers l'entrée, retourna la pancarte "Fermé" sur la vitre de la porte, se retourna vers Jonas avec un petit sourire malicieux.
- Vous allez bien m'acheter une petite babiole, avant que nous partions ! Regardez dans la vitrine à gauche du crâne de Yéti. Il y a un magnifique pendentif…

Puis il disparut dans l'arrière-boutique. Jonas regarda dans la vitrine en question et commença un inventaire méticuleux : des bagues serties de pierres aux couleurs chatoyantes, des bracelets reptiliens, des fibules en bronze… Une broche en forme de tête ovoïde avec des tentacules à la place de la bouche retint un moment son attention. L'unique pendentif de ce bric-à-brac se trouvait dans un coin. De la grosseur d'une pièce d'une Livre, des symboles étranges ornaient son pourtour. Un magnifique rubis étoilé brillait en son centre. Pas de prix ! Combien allait demander se filou de Mr Haziel pour un bijou pareil, qui plus est apparemment en or !

Jonas prit sa montre. Vingt minutes s'étaient écoulées lorsque Mr Haziel revint dans la boutique avec un gros sac de voyage en cuir qu'il posa à côté de la porte.
- Alors ! Vous me l'achetez ce magnifique pendentif !
- Je ne vois pas pourquoi je l'achèterais !
- Il vous sauvera peut-être la vie un jour…

Jonas ne savait plus trop quoi penser. On lui avait beaucoup parlé de Mr Haziel, ses ruses, ses intuitions, certains disaient même qu'il pouvait voir l'avenir… Après quinze minutes de palabres, Jonas comprit que la vielle homme ne partirait pas avant d'avoir vendu son pendentif et la chaine qui allait avec. Encore dix minutes de discussions acharnées sur le prix avant que le fameux bijou ne soit emballé et finisse dans la poche d'un Jonas Kaplan légèrement exaspéré !

Après avoir mis son fez et son manteau, Mr Haziel abaissa les rideaux de sa boutique puis ferma la porte à clé. Jonas l'attendait dehors avec son sac et avait arrêté un fiacre qui passait la. Ils prirent place à l'intérieur et partir vers l'extérieur de la ville où attendait leur aéronef.

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Le fiacre fut ralenti en centre-ville. Voulant éviter un chien, le conducteur d'un chariot rempli de pastèques avait fait une embardée pour venir rencontrer l'étal d'un marchand d'épices. Les deux hommes s'insultaient sur la route dans un nuage coloré et odorant. Des pastèques éclatées jonchaient le sol. Des petits malins en profitèrent pour s'approvisionner en pastèques… Il fallut un certain temps pour dégager la route.
Enfin, la circulation redevint fluide ! Le fiacre reprit sa route. Mr Haziel s'inquiéta du fait qu'ils n'allaient pas en direction du port. Jonas eut un léger sourire.
- Nous avons un aéronef à notre disposition à l'extérieur de la ville. Vu les circonstances, il nous fallait un moyen de transport plus rapide que le bateau.
- Ah ! Je n'ai jamais voyagé dans ces engins…

Ils traversèrent le reste de la ville sans encombre. Mr Haziel remarqua une forme oblongue au-dessus des terrasses des maisons. Le fiacre tourna à gauche et là, il vit l'aéronef dans son ensemble. Il avait déjà vu des gravures dans des revues techniques, mais en voir un en vrai c'était autre chose ! Un immense ballon rigide en forme de cigare écrasait une nacelle flambant neuve, enfin c'était l'impression qu'avait Mr Haziel. Sur l'arrière de l'engin, le mot "Ketzal" s'étalait en grosses lettres vertes stylisées. Devant la rampe d'accès, quelqu'un était installé sus une chaise longue sous un parasol. Mr Haziel plissa les yeux, intrigué.
Le fiacre les déposa à la dernière maison là où la rue s'arrêtait pour laisser place au sable du désert.
Ils arrivèrent tant bien que mal près de la rampe, les chaussures remplies de sable. Une voix de femme retentit derrière le parasol.
- Et bien, vous en avez mis du temps !

Le parasol se ferma avec un couinement désagréable dévoilant son propriétaire, une belle jeune femme brune à l'air volontaire. Sa jupe élégante et son chemisier blanc à dentelle contrastaient avec son corset en cuir et son ceinturon auquel pendait un holster… Jonas prit le parasol qu'elle lui tendait.
- Mr Haziel, je vous présente ma sœur Leia. Leia, Mr Haziel.
- Enchanté Mademoiselle Kaplan.
- Ravie de vous rencontrer Mr Haziel, on m'a beaucoup parlé de vous.
- En bien j'espère ! Vous êtes du voyage aussi ?
Elle lui fit un sourire enjoué et lui répondit :

- Forcement, je suis le capitaine du Ketzal.

Laissant un Mr Haziel un peu surpris, elle plia sa chaise longue et monta dans l'engin.
- Allez ! Montez. Je vous préviens la climatisation est en panne. C'est un vrai four à l'intérieur. J'espère que vous avez des mitaines, parce que lorsque nous aurons pris de l'altitude on va se geler ! À moins que Boris ne trouve la panne… Bon je vous laisse vous installer.

Elle tourna les talons et partit d'un pas vif vers la cabine de pilotage. Mr Haziel suivit Jonas dans une coursive étroite jusqu'à une cabine spacieuse. De la marqueterie en bois précieux aux murs, des moelleux au sol, rideaux en soie… ce luxe l'étonna. Jonas expliqua que le Ketzal appartenait à un riche armateur mexicain. Voulant prendre sa retraite, il avait vendu toute sa flotte y compris son aéronef personnel que Leia s'était empressée d’acheter.
- Je vous laisse vous installer. Si vous avez besoin de moi, ma cabine est juste en fasse de la vôtre.
- Merci, mais je préfèrerais aller dans la cabine de pilotage si c'est possible.
- Je ne pense pas que ma sœur soit contre, venez.

Un bruit sourd monta des entrailles de l'engin. Jonas pressa le pas dans la coursive, ils n'allaient pas tarder à décoller. En haut de quelques marches, il frappa à une porte et entra. Sa sœur s'affairait sur les commandes, boutons et divers leviers. Elle leur demanda de s'assoir. La cabine vitrée permettait d'avoir une vue panoramique du paysage. Mr Haziel ne voulait rien rater de cette nouvelle expérience. Soudain, il sentit l'aéronef bouger. Le Ketzal venait de prendre son envol avec pour destination Londres.